Je m’étendrai seulement sur un point qui tantôt
par de bonnes raisons, tantôt par des raisons que je ne
puis admettre, a été fort controversé : c’est la rectification
des noms franks d’après l’orthographe teutonique.

L’idée de rendre aux noms d’hommes qui remplissent les
premières époques de notre histoire leur veritable physionomie
n’est pas nouvelle. Lorsqu’au seizième siècle des
savants laborieux s’appliquèrent à débrouiller le chaos
de nos ancienne annales, la distinction de ce qu’il y a de
germanique et de ce qu’il y a de romain dans l’histoire
de France les frappa d’abord. Cette réforme toute savante
pénétra peu dans le public, mais Lorsqu’il y a dix ans
ne se rendant point compte de la différence des époques ils
n’ont rien fait pour la marquer ; et faute de précaution à
cet égard, ils laissent croire au lecteur que les rois de deux
premières races parlaient, à peu de chose près, la langue du
sire de Joinville.

Lorsqu’il y a dix ans je me livrai, pour la
première fois au travail de collationner la version moderne
de notre histoire avec les monuments et les récits originaux, la
pensée de rendre à la Germanie ce qui lui appartenait
s’empara de moi, sur le champs, et je me mis à suivre ce projet
avec zèle et ténacité, feuilletant les glossaires, comparant
ensemble les différents orthographes, tachant de retrouver le sens
primitif et la véritable signification des noms franks.

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Le plus sûr est donc de se conformer à l’orthographe
latine des contemporains, mais avec discernement et non
comme l’ont fait les anciens traducteurs français des
chroniques des sixième, 7me et 8ème siècles. Il faut surtout que les
lettres qui, dans notre langage actuel, ont un son
étranger à celui des langues germaniques, soient
remplacées, ou jointes à d’autres lettres qui en corrigent
le défaut. note

En reformant d’après ces règles tous les
noms tudesques d’origine qui se présentent dans notre
histoire jusqu’à l’avènement de la troisième race
on est sûr de conserver à ces noms leur véritable
physionomie, sans trop s’écarter de l’usage reçu.
Dans presque tous les cas, malgré le changement de
quelques lettres, la prononciation demeure la même,
et l’impression d’étrangeté a lieu simplement pour
la vue note

Parmi les noms des rois, il n’y en a guère que
deux qui éprouvent une alteration sensible, mais
quelle raison y a t-il de tenir à Clovis et
Mérovée, et de donner à de noms propres terminés
par le même composant, des désinences si différentes ?
Plus conséquents, les vieux auteurs des chroniques
de St Denis (1) ont écrit Chlodovée et Mérovée

(2)
1 Les Chroniques de Saint-Denis sont des chroniques en latin compilées à l'abbaye de Saint-Denis du XIIe au XVe siècle. Ces chroniques furent ensuite doublées d'une version française, les Grandes Chroniques de France, qui eurent une vaste diffusion.
2 Ces extraits sont tirés de la Note pour la seconde édition des Lettres sur l'histoire de France par Augustin Thierry publiées en 1829.